[Archivage] Trôle De Compagnie (Piks/Nie)

De la verdure à perte de vue,
une température étouffante, des cris étranges... Ils étaient en pleine
jungle, sur une petite île au large de Teliarok. Depuis quelques jours,
une guerre sanglante entre deux clans avait débuté. D'un côté, des
gnolls, de l'autre des trolls. La bataille de la veille avait été assez
conséquente. Des gnolls avaient réussi à pénétrer dans le campement
adverse et avaient incendié quelques huttes, brûlant vif les quelques
femmes et enfants qui s'y trouvaient. Un seul être avait été épargné,
mais pour combien de temps ?

Nu FAow cHaTètSh ! Eu'lI voULa pottY riTié ! Ha hA HA ha HA !

nOn, çA arMe de FaIblE. noUs dEtrUIrE chEF de eUX eT euX s'InclIneR aPrèS. mAIs quoI faIre à luI ?

Un
petit troll se débattait à quelques pas de là. Il était bailloné et
attaché à un arbre. On pouvait voir sur son visage des traces de larmes
séchées. Ce prisonnier était le fils du chef troll, il ne devait pas
être très âgé : trois ou quatres ans maximum - il n'était pas coutume
dans ces clans barbares de fêter les anniversaires ou de compter l'âge
des personnes... d'ailleurs, ils ne connaissaient même pas la durée
d'une année. Les trois gnolls ainsi que leur chef, présents à la petite
réunion l'observaient. On sentait la peur dans son regard; il avait
beau être très jeune, il savait tout de même que sa vie était en
danger... ou alors, peut-être qu'il n'aimait pas la tête de ses
ravisseurs, tout simplement.

Nu aKa tOué'li.

BoHr pAs tuEr peTiT êTrE faIblE. bOhR paS LÂchE.

Bohr...
c'était lui le chef de cette bande de gnoll. Il regardait ses trois
lieutenants d'un regard dur. Mais que pouvait-il ? Les gnolls étaient
des brigands et pilleurs de nature... Non, il ne pouvait pas tuer cet
enfant, pas plus qu'il ne pouvait faire de chantage à ses ennemis... Et
puis il n'était pas question de le renvoyer chez lui.

Ta pA'lVé li ! sA'lé tRaZoN !

Bohr
essayait de trouver une solution, sans tenir compte des remarques de
ses compagnons. Bien entendu, il n'allait pas l'élever... il fallait
qu'il l'envoie autre part... mais où ?... Tout à coup, son regard
s'illumina. Il venait de trouver : l'humain !

Tenant sa monture par la
bride, Noarka parcourait l'allée envahie par les ronces et jonchée de
branches tombées des hauts chênes qui la bordaient. Déserte, la
citadelle de Nërr'Okmor était abandonnée depuis bien longtemps
maintenant.
Elle leva les yeux et tomba en arrêt devant les
couleurs défraichies des armoiries monumentales qui surplombaient
l'imposante porte d'entrée.

Le spectacle de ces lieux dévastés
la plongeait toujours dans une infinie tristesse, mais comme une sorte
de pèlerinage, elle ne pouvait s'empêcher de venir s'y recueillir de
temps en temps.

Elle soupira profondément.

Elle tenta
d’écouter le bruit du tonnerre qui grondait à l’horizon, au-delà des
marécages, puis elle laissa vagabonder ses pensées.

Tant de chemin parcouru... la petite gobeline avait bien changé, elle avait appris à aimer cette île.
Elle se remémora son arrivée sur Téliarok... le refuge qu'elle trouva auprès des Cuivrés...
Elle
regrettait tellement le temps où Bohr, son fidèle ami orc, et elle se
ricanaient au sujet de tout, se moquaient de tout le monde en
s'empiffrant le plus bruyamment possible, à la taverne du coin. Puis il
disparut subitement, c'est alors que les couleurs du silence
habillèrent l'âme de Noarka.

Elle avait même abandonné son
royaume pendant de longs mois, pour partir à sa recherche à l'autre
bout du monde, au-delà des mers, aussi loin qu'elle pût aller... Elle
s'était jurée de ne jamais revenir sans lui...
Et elle était revenue... sans lui...

Aujourd'hui
elle tentait de reprendre les rênes de son royaume. Même si ses
précieux amis les Sous-Entendus supportaient courageusement au
quotidien sa couleur verdâtre... elle n'osait leur dire que parfois,
elle se sentait bien seule.

Elle fixait le vide, ses yeux ne contenaient aujourd'hui qu’une tranquille soumission aux décrets de la providence.

Les jours, il aurait aimé les avoir comptés. Cela devait bien faire
quelques années qu'il ne s'était rien passé d'extraordinaire. Il avait
pris une nouvelle identité, il était allé faire le pitre sur la place
publique, il avait recruté une petite armée, il avait un peu combattu,
il avait beaucoup produit, il avait fait de nouvelles connaissances...
Mais rien... Il était toujours aussi las, là dans son bureau, dans un
royaume ignoré de tous, dans un Empire ignoré de son dirigeant.
Pourriture d'Empereur, il faudrait qu'il le renverse un jour. Oui, un
jour il règnerait en maître sur l'Empire tout entier, un jour.

* Et pourquoi pas aujourd'hui ? *

Quoi
de mieux qu'un bon petit défi ?... Son regard s'était illuminé à cette
pensée. En était-il capable ? Détrôner ce bon à rien d'Empereur... Oui,
bien évidemment. Mais seul, il n'y arriverait pas ; il allait avoir
besoin d'aide, de beaucoup d'aide. Perdu dans ses pensées, il avait
pris un bout de papier, et griffonnait quelques notes dessus,
probablement encore un plan tordu qui finirait au fond d'un tiroir sans
avoir été mis à exécution.

TOC TOC

L'ex-Comte, maintenant Baron, leva la tête vers la porte, le regard furieux.

Oui ?

Un page entra.

Maître, le capitaine de la garde vous demande d'urgence aux écuries. Il a un message pour vous.

Un message ? Te moquerais-tu de moi ? Il veut que je me rende aux écuries pour un message ?

Eh bien... c'est-à-dire que... Il ne veut pas apporter le... la bête ici.

La bête ?... hum... Tu as intérêt à ce que ça vaille le déplacement !

Sur ce, il froissa le petit papier qu'il fourra dans une de ses poches avant de descendre aux écuries.

* Quelle bande d'incompétents ! Et l'autre qui ne me dit même pas de quoi il s'agit... *

Mais
que pouvait dire le page ? L'aurait-il cru, s'il avait annoncé qu'un
petit troll envoyé par un orc l'attendait aux écuries ?

~~~~

Des
yeux ronds au milieu d'une face verte, un petit sourire angélique, deux
petites canines sortant de sa mâchoire inférieure, le petit être était
assis à même le sol, à l'entrée de l'écurie. Quelques gardes le
regardaient, amusés, d'autres se bouchaient le nez... ce qui était tout
à fait compréhensible, étant donné la forte odeur que dégageait le
petit monstre.

Qu'est-ce que... ?

Monsieur le Baron, un message pour vous.

Le capitaine de la garde lui tendit un petit parchemin sur le point de tomber en poussières.

CITATION
huGh mOrIaRty !

sA boHr envOyé a TouA peTi trÔLe. luI etRe dan exiLe é pA poUvoIr ResTé plU loNgtaN daN claN dE boHr. sA duR poUr boHr sépAré pRisoNIé peTI enFaN... maIs luI pA poUvouAr vIvR daN viLAGe plU lONtan. toI toCupé dE lUI.
siNoN,
moI aLé bIeN. bOhR esT nOuvO chEf dE clAN. sA êTrE claN dE gnOLLs. eUh
pa tRè inTelLigeNS, mAis moI dEbrouyé. mé sA quEN m'AiMe duR saNs
sTratèGe mOriARty.

bohR eSpéreR toI aLlez biEn. eT ausSi deManDer à tOi faIre hUgh à petIte chEf NoArkA. ElLe bOcoU maNqUé à BohR.

mOi deVOir laISsé toI. bOhR paS ecRitEur, bOhr GuérIé !

coRdaLInGe,
bOhR.

* Un prisonnier... * Euh... Où est passé le messager ?

Il
n'a pas demandé son reste, il est parti en courant... il disait qu'il
avait une guerre à mener. C'était un gnoll. Doit-on laisser cette
bestiole aux services impériaux ?

Même eux ne voudraient pas de... ce truc...

Alors qu'il prononçait ses quelques mots, le petit troll se leva et vint s'accrocher à sa jambe.

Hé ! Lâche-moi, sale bête !

Mais le petit lui adressa un nouveau petit sourire angélique.

Je crois qu'il vous aime bien, Monsieur le Baron. Hé hé hé...

Moriarty
lui lança un regard noir. Que faire de cette bestiole ?... Les services
impériaux ? Non... ils auraient été capable de la tuer pour nourrir
leurs chevaux. La garder ? Hum... non plus...

* mOi moCuPé dE lUi... pffffff... Je vais l'envoyer chez la gobeline et on n'en parlera plus. * Bon, lavez moi cette petite crotte, dit-il en désignant le troll. Et préparer une charette, nous allons en Akorenn.

Devant la citadelle de Nërr'Okmor, Noarka flatta l'encolure de son cheval puis le regarda s'éloigner.

Ne t'éloigne pas trop ... tu ne trouveras rien à brouter ici...

Persuadée
que la porte principale était condamnée, elle se dirigea vers les
étables et l'entrée des fournisseurs, se frayant difficilement un
passage entre les lauriers et les arbustes laissés à l'abandon.
A sa
grande surprise, une porte était entrouverte, un long corridor délabré
prolongeait le hall d'entrée, Noarka traversa alors lentement
l'arrière-cuisine, craignant que l'immense cuisine ne rappelât que de
très loin celle qu'elle avait connue autrefois. En effet, les grands
étals de marbres étaient vides, le plafond n'était plus tapissé de
jambons suspendus et les fourneaux vides de marmites bouillonnantes.

Chef Noarka ! CHEF NOARKAAAAAA !!

Armand, valet de la gobeline depuis étonnamment longtemps, accourait depuis le couloir.

Le Baron, chef... Le Baron vous fait demander auprès de lui !

A
peine avait-il fini sa phrase que le pauvre Armand se jeta au sol et
après une rapide incantation, se transforma en enclume... eh oui... en
enclume...
Le vieux Lothadith lui avait appris ce tour sous le poids
de ses supplications, le jour où Armand faillit perdre un oeil en
réveillant Noarka au clairon pour la prévenir de l'arrivée d'une armée
ennemie en Akorenn.
Cette astuce le préservait maintenant de bien des mutilations.

Noarka
n'avait jamais posé de questions, feignant de ne pas s'étonner - elle
qui est pourtant peu au fait de la magie la plus élémentaire - ravie
qu'un sous-fifre "tienne" aussi longtemps.

Et tu comptes faire le voyage à chaque missive que je reçois ?

Non mais ... balbutia Armand, se protégeant le visage avec ses avant bras, car il avait repris forme humaine.

Il... Ce n'est pas... une missive... Il est ici.

PAOUM!! Revoilà l'enclume.

Ici ? Où ici ? hurla Noarka stupéfaite.

Non.. pas ici ici, mais chez nous ... enfin ... chez vous ... en Akorenn quoi ! Il est venu avec une bête...

Arm... commença-t-elle en se levant les yeux vers l'enclume.
Mais elle décida de ne pas insister, tourna les talons et se dirigea vers sa mouture.

*Une bête ... n'importe quoi ... *
*pauvre Armand, il a bien du mal en ce moment, il doit manquer de sommeil* grogna-t-elle en ce frappant le front.

Je vous avais dit de le laver !

On
l'a laissé dans l'eau plus de deux heures, monsieur le Baron. On a même
rajouté du lait dans le bain, il paraît que ça fait partir les
mauvaises odeurs... On a dû changer l'eau quatorze fois tellement elle
devenait noire dès qu'on l'y plongeait... On ne peut rien faire de
plus, vraiment.

Mouais...

Au
passage, j'aimerais vous demander une petite prime pour le travail
fourni, je vous rappelle que je suis capitaine de la garde et non
garçon d'écurie.

T'appelles
ça du travail ? Je vais t'envoyer chez la "Reine-Juste", tu verras ce
que c'est que travailler dur. Et eux, elle fait la tête quand il s'agit
de les payer...

Mais au moins elle les paie pour leur travail, bougonna le garde.

C'est
ainsi qu'était arrivé en Akorenn ce petit convoi. A l'avant, Moriarty
se plaignait de l'odeur du troll, à l'arrière, la bestiole alternait
entre petits grognements et petits cris aigus tandis que les quelques
gardes qui suivaient la charette n'osaient rien dire, la nausée n'étant
pas loin de les faire vomir.

Arrivés à destination, un serviteur les avertit que la gobeline était absente. C'était bien le moment ! "J'ai un... colis, à lui livrer... en main propre... enfin 'propre'..." avait répliqué le baron.

Et
l'attente avait commencé. Une attente interminable dans la puanteur que
véhiculait le troll. Une attente inter-minables, entre le troll qui
faisait les pires bêtises, renversant les quelques pots de fleurs qui
décoraient la salle, faisant tomber les tableaux, déchirant les
quelques livres de la petite bibliothèque, saccageant tout ce qu'il
pouvait saccager, piétinant tout ce qu'il pouvait piétiner, et les
gardes qui essayaient de l'arrêter. Mais il faut dire que c'était dur
de stopper un petit monstre comme ça, avec une main qui servait à se
boucher le nez.

Et le comte attendait, dépité devant le
spectacle qui s'offrait à lui. Mais alors qu'il observait le troll en
train d'essayer de manger un bout de table, un petit bruit se fit
entendre derrière lui. Elle devait être là.

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